Pilier 2 : Comprendre et Appliquer les Règles Transitoires de Sauvegarde

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L’implémentation du Pilier 2 représente l’une des réformes fiscales les plus significatives de ces dernières décennies. Ce dispositif, qui établit un taux d’imposition minimum de 15% pour les groupes multinationaux, modifie en profondeur la manière dont les entreprises doivent appréhender leur stratégie fiscale mondiale.

Pour les groupes réalisant un chiffre d’affaires consolidé d’au moins 750 millions d’euros au cours de deux des quatre derniers exercices, cette nouvelle réglementation nécessite une approche entièrement repensée de la gestion fiscale et des systèmes d’information.

Le mécanisme fondamental du Pilier 2

Les règles GloBE (Global Anti-Base Erosion) constituent le cadre technique du Pilier 2. Leur principe est simple : lorsque le taux effectif d’imposition (TEI GloBE) d’un groupe multinational est inférieur à 15% dans une juridiction donnée, un impôt complémentaire (« Top-up tax ») doit être acquitté.

Cet impôt complémentaire est généralement dû par l’entité mère ultime à l’administration fiscale de son pays de résidence. Le calcul du TEI GloBE pour chaque juridiction nécessite de déterminer le bénéfice ou la perte, ainsi que les impôts correspondants, selon des règles spécifiques pour chaque entité du groupe.

Ces mesures s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, créant une urgence pour les groupes concernés.

Les mesures de sauvegarde transitoires : une simplification bienvenue

Face à la complexité technique et opérationnelle que représente la mise en œuvre complète du dispositif GloBE, l’OCDE a publié le 20 décembre 2022 des « principes sur les régimes de protection et d’allègement des sanctions » (Safe Harbours and Penalty Relief).

Ces mesures transitoires, qui s’appuient largement sur les données du Country-by-Country Reporting (CbCR) fiscal qualifié, offrent une approche simplifiée pour la période de transition, couvrant concrètement pour les groupes clôturant au 31 décembre, les exercices 2024, 2025 et 2026.

Les trois tests de sauvegarde : une porte de sortie temporaire

Si une juridiction remplit l’un des trois tests suivants, l’impôt complémentaire au niveau de cette juridiction sera présumé nul pendant la période transitoire :

1. Test de minimis

Ce test s’applique aux juridictions où la présence du groupe est limitée, avec :

  • Un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros (tel que reporté dans le CbCR qualifié)
  • Un bénéfice avant impôt inférieur à 1 million d’euros (selon les états financiers)

2. Test du taux d’imposition effectif simplifié

Ce test évalue si le taux d’imposition effectif, calculé de façon simplifiée, est suffisamment élevé :

  • Le taux est calculé sur la base des impôts des états financiers consolidés qualifiés (impôt courant et impôt différé) et du bénéfice avant impôt figurant dans le CbCR
  • Ce taux doit dépasser le seuil transitoire :
    • 15% pour les exercices 2023 et 2024
    • 16% pour l’exercice 2025
    • 17% pour l’exercice 2026

3. Test de substance

Ce test tient compte de l’activité économique réelle dans la juridiction :

  • Le profit de routine, correspondant à la somme d’un pourcentage des actifs éligibles et d’un pourcentage des frais de personnel éligibles, doit être supérieur ou égal au bénéfice/perte avant impôt
  • Les actifs éligibles correspondent principalement à la moyenne de la valeur nette comptable des actifs corporels à l’ouverture et à la clôture de l’exercice

Il est important de noter qu’un groupe peut décider de ne pas opter pour l’application des Safe Harbours dans une juridiction ou dans l’ensemble des juridictions. Cependant, cette option est définitive pour toute la durée de la période transitoire.

Points de vigilance critiques pour l’application des Safe Harbours

La mise en œuvre des mesures de sauvegarde soulève plusieurs défis qui nécessitent une attention particulière :

La question du périmètre

Le périmètre du CbCR diffère souvent du périmètre consolidé du groupe. Il est essentiel de s’assurer de la prise en compte correcte de toutes les entités constitutives :

  • Sociétés non matérielles
  • Sociétés transparentes fiscalement
  • Sociétés mises en équivalence
  • Sociétés destinées à être cédées
  • Joint-ventures
  • Établissements stables

Les opérations de croissance externe peuvent également avoir un impact significatif sur les agrégats par juridiction, ce qui nécessite une anticipation adéquate.

La fiabilité des données

Les données utilisées pour les tests sont principalement issues du CbCR fiscal « qualifié » et des contributifs consolidés regroupés par juridiction. Leur conformité aux règles et définitions GloBE soulève plusieurs questions :

  • Quel traitement appliquer à des impôts spécifiques comme la CVAE ?
  • Comment prendre en compte les crédits d’impôt ?
  • Comment traiter les positions fiscales incertaines (IFRIC 23) ?
  • Les charges de personnel ont-elles été correctement allouées par juridiction ?
  • Faut-il considérer les stocks dans les actifs corporels ?

L’analyse des résultats

Il est crucial de comprendre pourquoi certaines juridictions dont les taux d’imposition nominaux sont supérieurs à 15% peuvent présenter des TEI simplifiés inférieurs à ce seuil. Par exemple, une non-activation historique de pertes fiscales pour des sociétés potentiellement bénéficiaires à court terme peut réduire mécaniquement le TEI de la juridiction.

Des tests de sensibilité sont nécessaires, particulièrement pour les juridictions exemptées grâce à un seul test de sauvegarde. En effet, selon le principe « once out, always out », la période transitoire prend fin dès lors qu’une juridiction ne valide plus au moins l’un des trois tests.

Les contraintes de calendrier

Compte tenu de l’ampleur des travaux à réaliser, il est essentiel de collecter les informations nécessaires dans un calendrier plus serré que celui prévu par la réglementation, ce qui peut nécessiter le recours à des données estimées.

Pour rappel, l’entité mère ultime doit déposer le CbCR au titre d’un exercice fiscal dans les douze mois suivant la fin de l’exercice concerné.

Transformer l’obligation en opportunité stratégique

Pour se conformer à ces nouvelles règles fiscales, les groupes doivent fondamentalement repenser leur approche de la donnée fiscale. Il ne s’agit plus simplement d’agréger des impacts fiscaux locaux, mais d’élaborer une véritable stratégie fiscale coordonnée au niveau du groupe et de chaque juridiction.

La tête du groupe porte désormais la responsabilité finale de la correcte application des règles GloBE et du paiement de l’impôt complémentaire. Que le groupe ait à payer ou non un impôt complémentaire Pilier 2, une déclaration devra être soumise aux autorités fiscales détaillant, par juridiction, les tests au titre desquels la juridiction a été exemptée du calcul GloBE.

Ces tests s’appuyant largement sur des données financières issues notamment des outils de consolidation, les projets Pilier 2 nécessitent une collaboration étroite entre les directions fiscales, comptables et consolidation.

Au-delà des Safe Harbours : préparer la suite

Le calcul des Safe Harbours constitue une première étape importante, mais aussi une opportunité d’initier les équipes à la réglementation Pilier 2 et de préparer les phases suivantes, plus complexes :

  • Calcul complet du TEI GloBE
  • Déduction liée à la substance
  • Détermination du résultat GloBE
  • Calcul de l’impôt complémentaire
  • Évaluation du besoin d’un outil dédié

Nous assistons à l’émergence d’une véritable consolidation fiscale sous un référentiel international (GloBE), qui transforme en profondeur les pratiques fiscales des groupes internationaux.

Conclusion : anticiper pour mieux maîtriser

Face aux complexités des règles transitoires de sauvegarde du Pilier 2, une approche stratégique s’impose. Ce changement réglementaire majeur offre l’occasion de moderniser vos systèmes d’information financiers tout en optimisant votre stratégie fiscale globale.

Depuis 2010, BHI Consulting aide les entreprises internationales à relever leurs défis technologiques les plus complexes. Notre expertise en solutions EPM, particulièrement OneStream et CCH Tagetik, est directement applicable aux enjeux du Pilier 2 :

  • Centralisation des données à l’échelle internationale
  • Automatisation des calculs complexes du TEI et des Safe Harbours
  • Fiabilisation du reporting pour les nouvelles obligations déclaratives
  • Traçabilité complète des ajustements et retraitements

Comme le souligne notre CEO Raphaël Samoun : « Un projet réussi, c’est l’assurance d’une qualité de data élevée mise à disposition des décideurs » – un principe fondamental pour réussir votre conformité Pilier 2.

Pour naviguer efficacement dans cette transformation, BHI Consulting vous offre un accompagnement qui allie expertise technique et compréhension approfondie des enjeux fiscaux. Notre approche intégrée vous permet de convertir cette contrainte réglementaire en véritable opportunité d’optimisation de vos processus financiers.

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